Discrimination à l’embauche : de quoi parle-t-on ?
La discrimination à l’embauche reste une réalité ancrée dans le monde du travail en France. 40% des personnes interrogées par l’OIT affirment avoir déjà subi des comportements discriminatoires durant leur recherche d’emploi. Par comportement discriminatoire, nous entendons une inégalité de traitement entre les candidats lors d’un processus de recrutement. Elle peut être directe (un refus manifeste d’un candidat pour son origine), ou indirecte (exigence injustifiée qui cible une catégorie de personne).
Discrimination à l’embauche, ce qu’en dit la loi française
En France, la loi interdit formellement toute discrimination à l’embauche.
D’après le site du Ministère du Travail, la discrimination à l’embauche correspond au « traitement défavorable d’un candidat en raison de critères sans lien avec les compétences ou les exigences du poste. »
Une discrimination est liée à une différence de traitement fondée sur un critère interdit par la loi. À date, la loi a ciblé 20 critères discriminants.
Les 20 critères de discrimination à l’embauche interdit par la loi
Il existe 20 critères qui sont des facteurs de discrimination à l’embauche :
- l’origine ;
- le sexe ;
- les mœurs ;
- l’orientation ;
- l’identité sexuelle ;
- l’âge ;
- la situation de famille ;
- la grossesse ;
- les caractéristiques génétiques ;
- l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race ;
- les opinions politiques ;
- les activités syndicales ou mutualistes ;
- les convictions religieuses ;
- l’apparence physique ;
- le nom de famille ;
- le lieu de résidence ;
- l’état de santé ;
- le handicap.
Pour plus de détails, retrouvez l’ensemble des éléments dans le Code du Travail, Article 225-1.
Un exemple concret de discrimination à l’embauche : un refus d’entretien après avoir appris qu’une femme était enceinte.
Discrimination à l’embauche ressentie vs réelle
Il est important de distinguer la discrimination ressentie de la discrimination avérée. Parmi les situations souvent perçues comme discriminantes, il existe 4 facteurs pour lesquels un employeur peut ajouter des différences de traitement ou des spécificités dès l’embauche :
- l’âge : fixation d’un âge minimum ou maximum, justifiée par la formation requise ou les conditions d’exercice du poste (ex. : métiers physiques ou liés à un contrat d’apprentissage) ;
- le sexe : lorsqu’il constitue une exigence déterminante pour le poste (ex. : rôle artistique, intervention en milieu non mixte, etc.) ;
- l’handicap : si la personne ne possède pas les aptitudes physiques requises et qu’aucune adaptation raisonnable du poste n’est possible ;
- le lieu de résidence : un employeur peut exiger une proximité géographique lorsque le poste implique des déplacements fréquents, des horaires décalés ou une grande réactivité (astreintes, interventions sur site client, etc.). Cette condition doit cependant être liée à des contraintes objectives et non à des stéréotypes ou préjugés sur certains quartiers ou territoires.
Vous le comprendrez, la ligne est assez fine entre des critères spécifiques liés à un secteur d’activité / un poste spécifique, d’une discrimination à l’embauche avérée. Et parfois les entreprises jouent entre les lignes pour passer sous les radars.
Les formes les plus courantes de discrimination à l’embauche
D’après le 13ème baromètre du Défenseur des Droits, près d’un candidat sur deux estime avoir déjà été discriminé dans sa recherche d’emploi.
Source : Enquête Statista, 2016
Parmi l’ensemble de ces discriminations, les 5 plus courantes sont :
- L’apparence physique (29%), notamment les personnes en situation d’obésité et de surpoids ;
- La situation économique (26%), notamment les personnes en situation précaire (chômage, statut intérimaire, CDD…) ;
- Le sexe (24%), notamment pour les femmes ;
- L’origine ou la couleur de peau (23%), notamment pour des origines non françaises ;
- L’âge (15%), notamment pour les personnes de plus de 50 ans.
Ces discriminations sont souvent systémiques, mais il existe des recours possibles ainsi que des sanctions lourdes pour les employeurs concernés.
Ce que risquent les entreprises en cas de discrimination à l’embauche
Les sanctions pénales et civiles
Lors d’une discrimination à l’embauche, voici ce qu’encourt une personne physique :
- 3 ans d’emprisonnement
- 45 000€ d’amende
Et une personne morale : jusqu’à 225 000 € d’amende.
Source : L’expert Comptable.
Parmi ces sanctions sont comprises notamment les réparations du préjudice subit : dommages et intérêts, annulation du recrutement, manque à gagner (si refus d’une autre opportunité), etc.
Les impacts sur la marque employeur
Une condamnation ou des rumeurs de discrimination à l’embauche dégradent fortement l’image d’une entreprise, même si, selon la taille, le secteur d’activité, les entreprises n’ont pas de réels freins pour recruter de nouveaux profils par la suite.
Par exemple, en 2020, 7 grands groupes français ont été soumis à un testing pour « présomption de discrimination à l’embauche ». Parmi eux : Renault, Air France, Accor Hotel, Altran, Rexel et Sopra Steria.
L’un des risques principal est donc la détérioration de l’image de l’entreprise. Et des conséquences associées : quel climat social cela engendre ? le turnover augmente-t-il ? y-a-t-il un niveau de méfiance plus élevé ? etc.
Exemple de Stäubli, jugée pour discrimination raciale à l’embauche
L’entreprise suisse Stäubli a été condamnée par la Cour de cassation en 2022 pour avoir refusé à l’un de ses intérimaire une embauche en CDI en raison de son origine. (Source : Article Le Monde).
Le contexte : l’intérimaire Youssef B. avait enchainé 3 contrats d’intérimaires au sein de la structure entre 2016 et 2019 et décide de postuler en CDI. Il n’obtient pas le poste sous prétexte de « privilégier des salariés plus jeunes ».
Après une enquête approfondie, les tribunaux rendent leur verdict et les sanctions sont les suivantes :
- 3 000 € d’amende pour discrimination à l’embauche ;
- 16 506,11 € pour la requalification des contrats et le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 3 000 € au titre des frais de procédure.
Soit un total de 22 506,11 € à payer à la victime.
Comment prévenir la discrimination à l’embauche : les obligations légales de l’employeur
Prévenir la discrimination à l’embauche commence bien en amont des entretiens, dès la rédaction de l’offre d’emploi et se poursuit tout au long du processus de recrutement.
Un cadre juridique à respecter dès la rédaction de l’offre d’emploi
L’offre d’emploi constitue le premier point de contact avec les candidats. Elle doit respecter les règles de neutralité, sans formulation ni critère subjectif ou excluant.
👉 Mentions interdites : des formulations comme « jeune diplômé », « personne dynamique », « sans contraintes familiales », « de nationalité française » peuvent être considérées comme discriminatoires, sauf si elles sont justifiées objectivement.
💡 Pour aller plus loin, consultez notre guide : Comment rédiger une offre d’emploi conforme et inclusive ?
Des outils et des process pour réduire les biais
Certaines pratiques permettent de réduire activement les risques de discrimination :
- Utilisation d’une grille d’évaluation standardisée, fondée sur les compétences clés du poste ;
- Mise en œuvre de l’entretien structuré, identique pour tous les candidats ;
- Formation des recruteurs à la non-discrimination, obligatoire dans les entreprises de plus de 300 salariés ou si le recrutement est externalisé à un cabinet.
Certaines entreprises vont plus loin en adoptant des dispositifs de recrutement anonyme ou en mettant en place des comités de sélection pluriels, pour limiter l’influence des biais individuels.
Enfin, pour sécuriser et formaliser le processus, il est essentiel de soigner la rédaction de la promesse d’embauche adressée au candidat retenu. Une promesse claire, équitable et conforme au droit permet d’éviter tout malentendu ou litige.
💡 Pour aller plus loin : rédiger une promesse d’embauche conforme
Comment réagir face à une discrimination à l’embauche en tant que candidat ?
Être victime d’une discrimination à l’embauche peut être décourageant, mais des recours existent. Il est important de savoir repérer les signaux faibles et d’agir si nécessaire.
Les signaux d’alerte pendant le processus de recrutement
Même si certaines formes de discrimination sont subtiles, il existe plusieurs signes qui peuvent alerter :
- Commentaires ambigus ou stéréotypés : « vous habitez dans un quartier sensible », « ce poste exige une certaine prestance »…
- Questions déplacées lors de l’entretien : origine, religion, situation familiale, grossesse, etc.
- Refus d’entretien sans justification malgré un profil correspondant parfaitement à l’offre.
Si vous souhaitez plus de détails, nous vous invitons à l’ire l’article de Welcome to the Jungle à ce sujet.
Réagir en cas de discrimination subie
Si vous pensez être victime de discrimination à l’embauche :
- Conservez toutes les preuves : échanges d’emails, offres d’emploi, captures d’écran, comptes-rendus d’entretien, etc.
- Contactez le Défenseur des droits, une autorité indépendante qui peut vous accompagner gratuitement dans la constitution de votre dossier.
- Saisissez le Conseil de prud’hommes si vous avez un contrat de travail ou étiez en intérim, pour obtenir réparation.